Avant de subir les discours plein de certitudes et autres mensonges de campagne électorale, je me suis dit que ce serait bien de faire un petit bilan de ces 4 ans et demi sous Macron. Calmement. Se rémémorer chaque instant comme si on avait 50 ans.
Bref, essayer de faire le point sur ce PROJEEEEEET : ce qui a été mis en place, abandonné ou ajouté, la gestion de crise, les orientations…
Hausse des inégalités
C’est la thématique qui ressort le plus nettement du bilan Macron : l’agenda néolibéral est en marche. Si tout se déroule à merveille pour les premiers de cordée (+30% en 2020 pour les 500 plus riches), le ruissellement tarde curieusement beaucoup (-8% de PIB sur la même période). Tout un tas de réformes viennent renforcer les inégalités :
- Diminution des APL et des constructions de logements sociaux
- Refus de déconjugaliser l’AAH (l’aide aux adultes handicapés)
- Suppression de l’ISF (remplacé par un impôt sur la fortune immobilière touchant 3 fois moins de monde et rapportant 2 fois moins de revenus). Surprise : ça ne marche pas.
- Baisse de l’impôt sur les sociétés (de 33% en 2017 à 25% en 2022, sans remise en cause malgré la crise sanitaire)
- Flat-tax diminuant l’imposition du capital (assurances-vies, dividendes…).
- Bascule des cotisations sociales vers la CSG (la Sécurité sociale qui se finançait via des caisses indépendantes se finance de plus en plus via un impôt géré par l’Etat qui pourra le diminuer et accuser le trou de la sécu à loisir)
- Baisse de l’impôt progressif sur le revenu vs hausse des impôts sur le tabac et l’essence touchant plus fortement les plus pauvres, ce qui a en partie déclenché les Gilets Jaunes d’ailleurs.
- Forte baisse des allocations chômages pour les plus démunis (-17% de revenus pour des personnes déjà démunies)
- Réforme des retraites – en suspens grâce au Covid.
Fin du système de solidarité pour un système de capitalisation où chacun engrange des points dans son coin (points dévaluables par l’Etat), hausse de l’âge de départ à 64 ans (pour une espérance de vie en bonne santé de 64 ans aussi, sans parler des 43 annuités, un record en Europe) - Renforcement de la loi Travail (accords d’entreprise difficiles à négocier primant sur les accords de branche, plafonnement des indemnités aux prud’hommes…)
- ParcourSup, spécialités d’enseignement et contrôle continu au bac renforcent les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur selon l’origine sociale/géographique, même si l’individualisation des parcours n’est pas inintéressante dans l’absolu. Le coût de la vie étudiante a aussi globalement augmenté.
On pourrait ajouter le gel du SMIC, la prime des profs ne couvrant pas l’inflation, l’opération #QuartiersSansRelous stigmatisant les hommes de banlieue comme si le sexisme n’existait pas dans les hautes sphères (coucou Darmanin) ou encore les déclarations teintées de mépris contre « ceux qui ne sont rien » et « coûtent un pognon de dingue ». Bref, économiquement, c’est cohérent avec le programme de cet homme nouveau en droite continuité idéologique avec Reagan il y a 40 ans. 2020 a vu les dividendes augmenter de 22% malgré des baisses de profit et les plus riches augmenter leur fortune de 300 milliards. Pour les autres, la rigueur nous attend. L’argent magique de la crise, ça se rembourse…
Mesures de gauche ?
Je me dois d’être juste, il y a aussi eu quelques mesures de gauche chez le président ni de gauche, ni de gauche. Mais rassurez-vous, c’est de loin la partie la plus courte de ce bilan :
- Pass Culture.
300€ offerts pour les jeunes (entre pot-de-vin et coup de pouce culturel, on est encore loin d’enfourcher le tigre, mais on va pas cracher dessus) - Loi bioéthique. La PMA pour tous sans discrimination pour les homos
- Loi antigaspi.
Interdire la destruction des invendus non-alimentaires (coucou Hermès), sortie – très – progressive du plastique jetable… des mesures écologiques modérées, c’est déjà ça de pris. - Nationalisation des salaires durant la crise sanitaire. Bon par contre, le gel des cotisations sociales…
- Taxe GAFAM… abandonnée.
On a dû se coucher devant Trump. Un projet potentiellement repris au niveau européen, mais qui n’aboutit pas, faute de leadership français dans l’UE. - Abandons des privatisations de l’aéroport de Paris et de la Française des Jeux. Plutôt dus à la crise sanitaire qu’à un revirement politique.
Autoritarisme et démocratie en danger
Président libéral et rempart contre l’extrême droite… et c’est pourtant là où le bât blesse. Le gouvernement Macron a vu un recul important de la démocratie et des libertés.
- Les affaires Alexandre Benalla.
Un chargé de mission à l’Elysée qui se déguise en policier pour taper sur des manifestants le 1er mai, puis qui conserve des passeports diplomatiques sans autorisation et fait des affaires avec des mafiosos russes, le tout couvert par Macron. Qu’on aille le chercher ! - Fichages S douteux.
Si l’abus de perquisitions sur les fiches S date plutôt de Hollande, le fichage lui-même se banalise pour des raisons abusives : combattants pro-kurdes, militants écologistes, black-blocs… - Répression des Gilets Jaunes.
Plus de 3 000 blessés dont 5 mains arrachées et 17 éborgnés, 11 morts, dont une femme qui fermait simplement ses volets, 11 000 gardes à vue… Après un flagrant délit de violence policière sur une dame de 73 ans, le président lui a souhaité de trouver « une forme de sagesse » et de ne pas se mettre dans des situations dangereuses. - Montée des violences policières.
Les Gilets Jaunes ont vraiment fait peur au pouvoir. Depuis, toutes les manifs sont nassées, mort de Steve à Nantes pour un dépassement d’horaire de fête, retour des voltigeurs… - Loi sécurité.
Surveillance par drone, port d’arme en civil… seule l’interdiction de diffusion des images de violences policières a été retoquée par le conseil constitutionnel (mais le nouveau délit d’appel à l’identification reste). - Poids excessif de la police dans la société.
La présence du ministre de l’intérieur aux manifs de policiers, plainte systématique contre toute critique des violences policières, nombreux avantages (régime de retraite spécial, avantages retirés aux cheminots mais offerts aux policiers, hausse du budget de l’intérieur équivalente à la baisse des APL…) - Etat d’urgence sanitaire prolongé.
Le Covid a globalement favorisé une baisse des libertés et une habituation aux contrôles systématiques. Plusieurs mois de contrôle imposé par un comité sans visibilité démocratique. - Refus du RIC.
Le Référendum d’Initiative Populaire, l’une des principales mesures demandée par les Gilets Jaunes, est refusé. Plus de démocratie favoriserait trop les populismes selon cette vision du peuple. Les Gilets Jaunes auront par contre permis un « grand débat démocratique » avec omniprésence de Macron sur les écrans. Les cahiers de doléances ont, eux, mystérieusement disparu sans avoir été étudiés. - Chasse aux profs et universitaires pensant « mal ».
La chasse au wokisme et à l’islamogauchisme, concepts inventés par l’extrême-droite américaine et française repris par le gouvernement libéral, incite à interdire des champs de recherche académique. Une main-mise autoritaire de l’État sur la recherche scientifique quand elle déplait.
Racisme et impunité d’Etat
Au delà de la violence et de la police, c’est aussi un discours raciste et islamophobe qui est mis en place et permet aujourd’hui à Le Pen et Zemmour de caracoler en tête des sondages. Les discours s’accompagnent parfois de pratiques.
- Allongement de la rétention des migrants.
Les migrants peuvent maintenant être enfermés pendant 3 mois afin de les dissuader de revenir. Cette « gestion des flux migratoires » implique de fermer les yeux sur les violences et de laisser mourir des gens en mer. - Islamophobie d’Etat.
Au lendemain d’un attentat islamophobe ayant blessé 2 français, Macron fait la Une du journal d’extrême-droite Valeurs Actuelles. En voulant définir un « islam de France » compatible avec la république, il laisse supposer que les musulmans ne sont pas intrinsèquement républicains sans intervention de l’Etat. De quoi alimenter les peurs – totalement fantasmées – de séparatisme et de guerre civile. - Appel à la guerre civile en toute impunité.
D’anciens militaires fantasment une guerre civile et appellent à intervenir manu militari… le jour anniversaire d’une tentative de putsch militaire. Une menace à peine voilée malgré – ou plutôt à cause – de l’autoritarisme ambiant qui ne leur suffit toujours pas. - Choix de ministres accusés d’agression sexuelle et/ou mis en examen.
Darmanin a très probablement harcelé et abusé d’une position de pouvoir pour obtenir un rapport sexuel. Le ministre de la justice Dupond-Moretti est mis en examen pour prise illégale d’intérêt et défend très souvent des actes misogynes. - Conflits d’intérêts.
De nombreuses affaires sont détaillées par Juan Branco dans Crépuscule, mais on peut aussi citer Delevoye cumulant 15 postes, De Rugy et ses homards, Kohler et la banque MSC, Ferrand et les mutuelles, Buzyn reclassée dans le privé…
Et l’écologie ?
Après ce constat alarmant, on peut quand même s’attarder sur le bilan écologique. L’un des chevaux de bataille du président qui avait choisi le célèbre écologiste Nicolas Hulot comme ministre quand même !
Et bien ce n’est pas beaucoup mieux.
- Interdiction du plastique jetable… d’ici 2040.
Sans paille ni barquette plastique de kebab, le continent plastique va vite disparaitre ! - Interdiction de l’exploitation d’hydrocarbures en France.
Une interdiction à peu de frais, puisque cela représente 1% de notre consommation. En parallèle, l’entreprise française Total soutenue par le gouvernement prévoit de nouveaux forages, notamment au Mozambique. - Retour des néonicotinoïdes.
Les pesticides sont réintroduits pour l’industrie de la betterave sucrière menacée par les pucerons. Tant pis pour les abeilles. - Conservation du glyphosate. Promesse de campagne non tenue, l’herbicide cancérigène n’est toujours pas interdit.
- Double discours sur le nucléaire.
Fermeture de Fessenheim maintenue (longtemps après la date normale de fermeture), mais nouveaux EPR très coûteux prévus. Une industrie décarbonée certes, mais avec d’autres problèmes. - Favoriser la chasse.
Saviez-vous que la France est une destination touristique importante pour la chasse ? Selon cette logique économique, le lâcher de gibier d’élevage et leur massacre va se poursuivre et se faciliter, avec un permis de chasse 2 fois moins cher. - Non-respect de la convention citoyenne pour le climat.
150 citoyens tirés au sort faisant des propositions… un format original et assez prometteur. Hélas, entre les sujets interdits et le désintérêt de l’Etat, seulement 10% des propositions ont été reprises.
En route vers un 2ème quinquennat…
Triste bilan de la présidence Macron, mais qui ne devrait pas empêcher la réélection prochaine. Le système à 2 tours est ainsi fait. Une réélection sans relief ni espoir de réel renouveau cette fois-ci (pour ceux qui y croyaient). Le programme économique libéral s’est appliqué, le vernis social et sociétal n’a pas fait très long feu. Le « en même temps » reste dans le discours, mais les faits disent plutôt « à quoi bon ?«
J’oublie sûrement beaucoup d’éléments, n’hésitez pas à me les indiquer, je les ajouterai. Bon courage à tous pour cet avenir peu radieux !