Après mon dernier article sur les études animalistes en géographie, j’ai enchaîné sur une deuxième Documentation Photographique ! Oui, je suis maso.
Et on s’attaque cette fois à un sujet que je connais bien peu – même si je l’enseigne, en méthode comparée à mes classes de 5èmes depuis 3 ans – l’empire byzantin. Enfin « byzantin » c’est le nom laissé à la postérité, mais les « Roums » se sont toujours pensés comme l’Empire Romain d’Orient.
Avant de me replonger sur le sujet, j’avais de vagues souvenirs : empire chrétien, orthodoxes parlant grec, commerce à Constantinople, héritiers de l’Empire romain ayant eu une période iconoclaste (…oui, mon prof de 5ème en ZEP s’était déter à faire en détail l’iconoclasme, force à lui !), chute en 1453 marquant l’un des fins du moyen-âge.
Eric Limousin, médiéviste spécialiste de Byzance, nous invite à découvrir toute la richesse de cet empire qui a traversé 1000 ans avec bien plus de changements que ce que mon pauvre cerveau d’occidental se figurait.
Grandes phases de l’empire
L’intro rappelle les grandes phases, et ce n’est pas évident de résumer.
Byzance est capitale de l’empire romain sous Constantin en 330 et la division de l’empire est complète en 395.
Les Byzantins évitent l’essentiel des migrations Goths et des Huns à coups de pots de vins, ce qui permet de garder l’unité impériale. Le christianisme s’y développe, avec de nombreuses divisions internes, condamnées en vain.
Justinien reconstitue une grande part de l’empire romain au VIe siècle, mais ses successeurs perdent rapidement les terres occidentales regagnées et doivent se concentrer sur une longue guerre contre les Perses sassanides. L’Islam émerge dans ce contexte, ce qui explique certainement en bonne partie le rapide essor et la disparition de l’empire Perse, et amène la perte des terres africaines et renforce le déclin démographique. Constantinople résiste et accentue son identité grecque pendant la crise du VIIe.
Au VIIIe, Léon III bat les Arabes et rétablit la paix après de fortes instabilités. Il lance la période iconoclaste pour affirmer son pouvoir face aux moines chrétiens qui les diffusaient et prônaient la non-intervention de l’empereur dans les affaires religieuses. Cela éloigne ces chrétiens de l’Eglise romaine et favorise l’instabilité et les luttes entre grandes familles nobles, amenant par exemple l’impératrice Irène à renverser et aveugler son propre fils Constantin VI (anecdote amusante à replacer en société).
En 843, la période prend fin et les icônes sont à nouveau tolérées, mais l’Eglise politique, acceptant les interventions de l’empereur, sort vainqueur. En 867, Basile Ier, un militaire, prend le pouvoir par la force. La dynastie macédonienne stabilise le pouvoir et permet un nouvel âge d’or, profitant des divisions en Islam pour reprendre des territoires, et contient les Bulgares en évangélisant à tours de bras.

Le milieu du XIe siècle amène de nouvelles instabilités. Le schisme de 1054 est suivi de l’arrivée des Comnènes au pouvoir 3 ans plus tard sont les débuts d’une série de coups d’état. La plupart des terres asiatiques sont perdues, jusqu’aux victoires d’Alexis Comnène allié aux croisés, mais ce sont les occidentaux qui profitent le plus de ces victoires en Orient. Byzance doit se contenter de terres regagnées dans les Balkans et en Arménie.
L’instabilité politique entre grandes familles reprend à la fin du XIIe, permettant l’indépendance de plusieurs peuples européens (Serbes, Bulgares), et renforçant la lutte avec les Vénitiens, dont les marchands sont massacrés à Constantinople en 1182.
22 ans plus tard, les Vénitiens amènent les croisés à prendre la ville. L’empire latin est créé. Quelques territoires restent byzantins (Epire, Nicée, Trébizonde), ce qui permet à Michel VIII Paléologue (qui n’a rien à voir avec la recherche de fossiles de dinosaures, à ma grande déception) reprend Constantinople en 1261.
L’empire est considérablement réduit, ruiné, avec une armée peu fiable. La tentative d’union avec la chrétienté catholique échoue à cause du clergé orthodoxe. L’Empire perd peu à peu ses territoires, tandis que les Ottomans renforcent leur pouvoir. Après une longue résistance, Constantinople tombe en 1453.

Une histoire du pouvoir byzantin
Comme souvent dès qu’on s’occupe des Romains (même s’il est certainement abusif de dire Romains ici), il est difficile d’avoir des infos sur le peuple et l’on s’intéresse souvent moins aux modes de vies qu’aux élites et au pouvoir régnant. Dommage. Eric Limousin s’attarde bien plus sur le pouvoir et ses différents avatars : l’empereur, l’empire et l’Etat.
Sur l’empereur, l’auteur montre les aspects romains de la fonction qui persistent durant la période (triomphe, présentation sur l’hippodrome…), mais entremêlé par de nombreux éléments chrétiens (sacre à Ste Sophie, cérémonies religieuses menées par l’empereur…). Les empereurs ont donc 2 légitimités (+ un bonus s’ils naissent « dans la pourpre », une salle du Grand Palais impérial), et parviennent généralement à contenir le clergé, notamment en jouant sur les tensions avec l’Eglise romaine, ou en punissant purement et simplement certains opposants y compris des patriarches.
Les femmes sont comme souvent mal vues et/ou absentes des sources, à l’exception de quelques figures comme l’aveuglante Irène, Zoé ou Théodora qui a l’outrance de s’exprimer en public.
L’empereur doit gérer son palais à l’aide des eunuques, sa cour avec des alliances de courtisans qui se font et se défont, ou équilibrer la lutte entre aristocrates et militaires qui tourne souvent à l’avantage de ceux-ci. Certains sont détestés du peuple, d’autres adorés (et cela semble être une question assez secondaire pour l’auteur)

L’empire est donc un équilibre de différents pouvoirs. Le patriarche est désigné par l’empereur sur recommandation, souvent parmi ses hauts fonctionnaires. Constantinople reste le capitale sans interruption concentrant lieux de pouvoirs entretenus par l’évergétisme impérial, aristocrates, commerçants… malgré ses problèmes d’approvisionnement en eau réguliers.
Dans les provinces, les villes perdent leur rôle romain d’organisation du territoire au VIIe à cause de la crise démographique et des guerres causant désurbanisation et fortifications. Les évêques y deviennent les seuls à occuper le rôle d’administration impériale, le pouvoir est quasi totalement centralisé dans la capitale.
L’empire traite avec ses voisins, préférant souvent la diplomatie, mais ne reconnaissant que les souverains chrétiens, le roi des rois sassanides et le calife abbasside, les autres étant des barbares ou d’anciens dominés. Les villes italiennes, anciennement byzantines, influencent l’empire par leur main-mise commerciale, générant souvent des conflits.

Enfin, Eric Limousin s’intéresse à l’Etat byzantin, s’appuyant sur une armée forte (les fameux trirèmes à feu grégeois… ça aussi je l’avais fait en 5e!), régulièrement modernisée et sur une administration très hiérarchisée. Contrairement aux magistratures romaines, les dignités s’achètent pour les aristocrates éduqués. Un système qui facilite la corruption.
Dans les thèmes (provinces), le rôle de la ville a périclité, au profit de forteresses hébergeant l’administration couplées à une paysannerie de propriétaires, pas si éloignées des villas occidentales.

Bilan de cette vue de Byzance
Avantages :
- Une vue d’ensemble d’un empire méconnu
- Des sources riches
Défauts :
- Les élites et toujours les élites : à quand une histoire un peu sociale ?
- Un manque de vulgarisation : je n’ai pas montré ici la profusion de termes grecs utilisés tels quels, sans aucune explication
- Une hyper-concision qui empêche de percevoir beaucoup des transformation/exemples