Le vide complet. Il était pourtant venu le temps d’écrire, mais rien ne venait. Il essaya de se concentrer sur autre chose que ses mains désespérément moites, sur la sensation des paupières lourdes après une journée trop longue succédant à une nuit trop courte. Sur cet estomac qui se tord… il aurait dû manger avant.
Les autres semble mieux embarqués. Il va se sentir mal s’il ne s’y met pas rapidement. Surtout qu’il n’est pas du genre à écrire vite. Rien à présenter. Le sentiment de défaite…
Il divague à présent. C’était curieux cette panne de réseau aujourd’hui… Quelle chaleur ! Qu’est-ce qu’il pourra bien manger en rentrant ?
Le bruit du papier crissant sous les billes des stylos est rythmé par les clics du clavier. L’eau de son verre vibre sous l’effort de ses voisins. On se croirait dans la scène de Jurassic Park. Celle avec le T-Rex. Puis ils étaient en sueur aussi en entendant les pas résonner sous le poids de ses pattes… ça fait des points communs.
Son stylo glisse dans sa main. Il focalise son esprit sur les multiples idées qui se bousculent pour combler le vide de la page blanche :
Un téléphone qui vibre ? Bof. Une annonce de train ? Pas convainquant. Un pirate qui ouvre un trésor ? Moui… Et pourquoi cet enfant crie là-bas ? Merde ! J’y étais presque !… Ou pas du tout. Plutôt pas du tout… C’est frustrant ce vide.
Le scroll continu des téléphones lui a-t-il ôté toute imagination ?
C’est commode d’accuser ses outils. Tu parles d’un ouvrier ! Ou d’un artisan ? Pas d’un écrivain non plus. Enfin de quelqu’un qui écrit quoi !
Une idée se forme et domine peu à peu les autres. Dans le stress, on se focalise sur ses sensations. Envie de se gratter, goutte de sueur, chaleur… Pourquoi ne pas s’en servir ?
Oui mais c’est un peu paresseux d’écrire sur une page blanche quand même. Puis c’est chiant cette profusion d’autofictions. Il a toujours pensé que c’était le propre des écrivains sans imagination et des narcissiques.
Le stylo entame une première lettre… un premier mot… La page blanche se noircit. Pourquoi diable a-t-il commencé à la troisième personne, on dirait Jules César !?
Trop tard.
Tant pis.
Alea jacta est.