Le street art a trouvé ses lettres de noblesse depuis bien longtemps. La pop culture, autrefois symbole des geeks réputés asociaux, est aujourd’hui synonyme de cool. Adeptes sans le savoir de Bourdieu, les street artists à Paris rendent l’art accessible en l’exposant dans les rues plutôt que dans les musées. Quoique. Les artistes urbains les plus célèbres ont une reconnaissance qui tend à institutionnaliser la pratique. Est-on vraiment dans l’art accessible à tous si l’on vend des goodies M. Chat et si on expose dans les plus grands musées ?
Je ne suis pas du tout un expert : je n’ai jamais lu un bouquin ni vu un film sur le sujet qui m’intéressait moyennement jusqu’à ce que je me mette à observer les murs récemment. Moi je fais que des memes à la base (c’est peut-être la suite logique du graff d’ailleurs). A défaut de savoir reconnaître les artistes underground qui seraient probablement plus en accord avec moi, voici mon petit florilège des street artistes connus qui ornent les murs de Paris (même s’ils ne sont pas tous parisiens).
Invader
Franck Slama, alias Invader. Le plus célèbre des street artists parisiens a 55 ans et est maintenant l’un des plus reconnus. Une grosse expo Invader Space Station vient de se terminer (5 mai 2024) dans un immeuble parisien près de République. Je l’ai ratée. Mais il y en aura d’autres, il expose partout. On quitte d’ailleurs un peu le côté street art accessible à tous, maintenant que sa Mona Lisa en Rubik’s cube se vend quasiment 500 000€…
Au départ, le principe est simple : faire de jolies mosaïques de Space Invaders, de rétrogaming ou de pop culture, dans les angles de rue de Paris… mais aussi dans sa banlieue, quelques villes de province et même un peu à l’étranger.
Il a aussi lancé l’application FlashInvader, sorte de Pokemon Go consistant à capturer des mosaïques fixes plutôt que des pokemons virtuels. Il a tout compris : le street art se doit d’être ludique ! 350 000 utilisateurs sont à la recherche des 4000 invaders disséminés dans le monde. C’est ce qui m’a motivé à faire ce top street artists. Après avoir récupéré une cinquantaine de ces space invaders muraux en 2 mois, j’ai pris le goût d’observer les murs de la ville plutôt que ses trottoirs sales.
M. Chat
M. Chat est une création de 1997 à Orléans, donc seulement un an après les premiers Invaders. Ce gros chat jaune souriant, parfois ailé, est depuis devenu une star internationale. On s’éloigne à nouveau du street art accessible à tous, puisque M. Chat n’est plus seulement peint sur les murs. Il entre dans des films d’Arte, en une de Libération ou au Centre Pompidou, quand il n’est pas décliné sur des gammes de produits dérivés.
Ca reste un classique très présent à Paris le long de la ligne 4. On en trouvait même un à Wattrelos à côté de ma maison natale, c’est dire le succès !
L’amour court les rues
On va faire court (les rues) : L’amour court les rues, alias Wilfrid Azencoth, était un street artist très présent à Paris, dont le travail consistait principalement à écrire « l’amour court les rues » sur les murs en dehors de son métier de photographe. Il a depuis été écroué pour viols, profitant de sa position de photographe et de sa réputation de street artist pour abuser de ses modèles.
On ne va donc pas s’épancher plus que ça sur ce violeur courant les rues.
John Hamon
Le Marcel Duchamp de l’art urbain. John Hamon est une vaste blague. Son art consiste principalement à coller la même photo de lui-même lorsqu’il avait 18 ans. Il a compris qu’il n’y a pas besoin d’oeuvre d’art pour être un street artiste reconnu à Paris. Poser son nom partout suffit.
Il a aujourd’hui 42 ans (mais toujours la même tronche sur les affiches) et a tenté de se faire de l’argent avec des NFT et une monnaie artiste… On apprécie la constance dans le foutage de gueule.
Amour Anarchie
Amour Anarchie ou A2 est un street artiste ayant pour but de faire connaître la pensée libertaire grâce à son art. Du coup, on ne connait pas le vrai nom et on ne reconnait pas forcément l’artiste à chaque fois qui a plusieurs oeuvres emblématiques, mais que je n’avais pas forcément liées jusqu’ici : le A dans un coeur, le Barbapapa Anar (ou Barbanar), les portraits de Louise Michel plus ou moins détournée.
C’est le street artiste parisien qui respecte le plus le concept de départ, puisque l’art urbain ne vaut pour lui que s’il est gratuit et vandale. J’imagine qu’il habite le 18ème, car mon quartier est littéralement recouvert de ses oeuvres qui ont le mérite de faire vivre l’idéal anarchiste cher à Léo Ferré autant que de faire connaître Louise Michel autrement que pour une station de métro à Levallois (incohérence totale d’ailleurs !).
J’existe.
Aucun rapport avec France Gall, déso. Thierry Jaspart est le street artiste derrière J’existe. Il voit le street art comme le pendant visuel du punk : « c’est artistique, un peu, et ça fait chier, beaucoup. » Amusant.
Sa façon à lui, c’est de coller des stickers. Il a aussi exploré d’autres formes artistiques musicales douteuses et autres performances chelou. Bref, un véritable enfant du punk !
C215
Derrière C215 se cache Christian Guémy, un artiste urbain qui a la cinquantaine. Auteur de plusieurs grandes fresques, il est surtout connu pour ses détournements de boîtes postales, dont certaines ont failli disparaître avec les JO.
C215 a lui aussi atteint la reconnaissance, puisqu’il est appelé à faire des fresques monumentales, tandis que les boites aux lettres ornent les musées quand elles ne se revendent pas à prix d’or.
Mister P
Artiste urbain lillois, Mister P est maintenant présent dans 85 villes dans 14 pays différents. En tout cas c’est ce qu’il indique sur Insta, j’ai pas été vérifié.
Contrairement à beaucoup de graffeurs venus du hip-hop, Mister P vient du skateboard (il personnalise des skates pour des boutiques spécialisées). Et pour contredire les apparences, il n’est pas gaulliste non plus !
Il a simplement choisi un lillois aisément remarquable. Il colle ses têtes du général en plein jour. Surprenant, mais efficace. Hâte de le voir évoluer.
Codex Urbanus
Je pensais cet artiste urbain totalement inconnu en dehors des 5 pâtés de maison de Montmartre où je croise ses oeuvres, mais il semble au contraire avoir près de 50 ans et être un street artiste parisien connu depuis 2011 pour son bestiaire fantastique urbain. De jolies chimères à l’identité marquée. Toujours un plaisir de valoriser un voisin.
Blek le Rat
Xavier Prou est un honorable monsieur de 73 ans aujourd’hui. Sous le pseudo Blek le Rat, il est un peu le Bansky Origins : il a tout fait avant lui dans le même style : pochoirs, détournements d’œuvres classiques, portraits historiques ou engagés, présences dans toutes les villes d’Europe… Vu son âge, il est évidemment moins visible aujourd’hui, mais on peut encore le trouver en cherchant bien.
Miss.Tic
En observant, je n’ai trouvé quasiment que des street artistes hommes. A croire qu’il n’y a que les hommes qui inscrivent leur nom dans les rues. Il y a bien des collages féministes qui constellent les rues de la capitale, mais on ne peut pas vraiment appeler ça de l’art urbain.
Miss.Tic est l’exception. Ses rockeuses badass décorent officieusement les rues et quelques bâtiments officiels.
Une identité marquée et marquante, mais qui est hélas morte en 2022.
GZ’UP
Des pieuvres inspirées de Wonder Boy et saupoudrées de pop culture… En attendant le street art kawai, GZ’Up s’en rapproche avec des pieuvres très mignonnes. Il voit malgré tout sa pratique comme du vandalisme avant d’être de l’art.
Artistes en rab
J’en ai bien sûr oublié plein, mais voici quelques idées complémentaires :
- Docteur Octopus et ses poulpes
- Banksy a posé quelques oeuvres au pochoir à Paris… ainsi qu’un musée permanent à son nom. On ne peut plus vraiment appeler ça du street art.
- Lundi Promis et ses stickers « je te rembourse lundi »
- L’énorme fresque de Jef Aerosol à côté de Beaubourg
- les espèces d’aliens en mosaïque (qui ressemblent furieusement à Invader mais n’en sont pas, ce qui est particulièrement frustrant pour mon appli et tout autant pour trouver son nom au milieu des dizaines d’articles sur Invader)
Voilà, c’est tout pour ce tour d’horizon du street art à Paris. Je n’ai parlé que des artistes présents dans le 18e avec des identités bien marquées, donc peu de graffeurs, mais le sujet reste ouvert.
C’est un sujet vivant puisque les oeuvres tendent à disparaitre avec le temps. Que ce soit par le soleil, le temps ou par l’utilisation de produits coûteux et polluant issus des politiques municipales contre le graffiti. Voire la bêtise des habitants, comme à Clacton où un original de Banksy dénonçant le racisme a été effacé par la municipalité car jugé raciste.