Cet article ne reculera devant aucun élément racoleur.
Si vous trainez sur la blogosphère, vous l’avez sûrement déjà remarqué. Certains titres de blogs reviennent tout le temps. Tout est bon pour attirer le chaland. Quitte à dénaturer le fond du propos et même quand il n’y a pas de profondeur du tout derrière. Notons que ce n’est pas l’apanage des blogs de webmarketing ou de SEO. Blogueurs mode, déco, geeks, pros, amateurs, et journalistes… les mêmes structures de titres reviennent partout. Besoins de référencement, recherche de viralité, facilité, fumisterie ou titraille putassière, les raisons sont légions. Passons en revue quelques unes des pratiques les plus courantes (désolé pour les monomaniaques du SEO, je ne parlerai volontairement pas de balise title ou de code HTML ici, mais uniquement du titre en tant que tel) :
1) Les X outils indispensables, X erreurs à éviter et X astuces secrètes.
Qu’il s’agisse de 20 outils indispensables en SEO, de 21 erreurs à éviter dans son code HTML ou de 26 astuces pour gagner en productivité, les blogueurs ont tous d’excellents conseils à prodiguer sous forme de liste. Même quand ça n’a aucune cohérence. La fâcheuse manie de tout organiser en liste de points se retrouve jusque dans leurs articles. Si bien, ça peut être logique quand la liste est courte et tous les points utiles. Mais quand on dépasse les 20 points et qu’on finit sur un nombre pas du tout rond ou qu’on présente un tas de banalités, quel est l’intérêt ? J’ai beau être un grand adepte des listes sur SensCritique, un peu de mesure ne fait pas de mal. Un même article pourrait être remanié sous forme d’analyse globale ou de liste plus courte ne recherchant pas l’exhaustivité.
Et bien sûr, si on les écoutait, on passerait notre temps à trouver des conseils judicieux et on utiliserait tous les plugins et outils imaginables pour bien travailler. Par contre, je ne sais pas trop quand on travaillerait.
Mais c’est un phénomène plus global. Le Démotivateur, Buzzfeed ou même le JdN et Challenges exploitent aussi le filon, parfois en faisant encore plus putassier, comme les incontournables choses à voir/faire avant de mourir, bien raillées par Bilboquet Magazine dans cet excellent article.
« Je crois qu’après avoir vu ça, on peut crever tranquille. » Thierry Roland
2) Les chroniques d’une mort annoncée
Les titres faussement provocateurs sont la spécialité de Démotivateur ou Hitek pour être viral. On appréciera la qualité de leurs infos… Mais ce phénomène envahit de plus en plus la blogosphère du webmarketing depuis quelques années, en se concentrant sur des annonces de mort programmée de nos sujets de travail, ou des faux questionnements à la réponse évidente. Parfois par des affirmations de non mort du sujet, souvent sous forme de questions plus rhétoriques que pertinentes.
On a tous vu l’apogée durant les déploiements de Google Panda et Pengouin qui donne des articles passionnants sur le même moule :
Le SEO est mort ne perdez plus votre temps, RIP SEO, Le SEO est-il mort ?
et sur d’autres sujets plus courants : Bientôt la mort de Facebook ?, Non l’email n’est pas mort !, Le community manager va t-il disparaître ?…
La tombe du SEO se devait d’être en Comic Sans. Merci Paint.
Le cheminement de l’article est ensuite TOUJOURS le même ! Une affirmation tapageuse suivie de quelques éléments montrant les profonds changements en cours/à venir du secteur. La déclaration est alors très vite nuancée pour finalement conclure que le secteur doit juste évoluer pour survivre à ses mutations. C’est aussi souvent le moment pour utiliser des jolis anglicismes encore peu usités, exprimant quasiment la même chose avec un air savant : Inbound marketing, Social Media manager, User Experience Optimization, Online Audience Optimization etc.
J’imagine que les sites comme Definitions-marketing.com doivent chauffer durant la rédaction de ces articles.
3) Les questions débiles : comment, pourquoi, faut-il et consort.
On peut replacer une 2ème fois toutes les questions rhétoriques du point 2. Une rapide recherche sur Yahoo Questions ou Doctissimo le prouvera aux sceptiques, les internautes recherchent vraiment tout et n’importe quoi sur le web (mais surtout n’importe quoi). Et les blogueurs initiés aux pratiques SEO sautent forcément sur l’occasion avec des articles hautement instructifs. Un bon moyen de récupérer des internautes perdus ou neuneus.
Quelques exemples : Comment faire le buzz avec un emailing, l’emailing est-il toujours efficace ?, Pourquoi les community managers doivent faire de la veille ?, Faut-il faire du Negative SEO sur ses clients mauvais payeurs, Comment obtenir 1000 visites le jour du lancement de son blog ?…
Ces articles sont souvent des espèces de tutoriels un peu cheap qui répondent à moitié à coté, puisque de toute manière les sujets sont des non-questions. Ou promettent la lune en donnant des conseils simples. Ou donnent des non-réflexions pour faire un article et remplir le quota de la semaine. C’est l’une des formes préférées des blogs d’entreprise pour pouvoir refiler ses produits via un faux tuto. Vous cherchez comment sécuriser votre maison durant vos vacances ? Hop, un article pondu vite fait avec 2 ou 3 conseils de pur bon sens accompagnés d’une demi-douzaine d’alarmes indispensables.
Je me suis déjà moqué de ce genre d’articles dans un post précédent (Peut-on être un bon CM sans avoir vu The Social Network ?), mais d’autres le font mieux que moi, notamment la désencyclopédie avec ses faux tutoriels. Par exemple Comment se couper les ongles des pieds quand on est observé par un caniche d’aspect taciturne ou si vous préférez l’un de mes vieux écrits : Comment écrire une lettre d’amour pour récupérer sa dulcinée.
4) Du clash, du versus, du sang !
Technique commerciale célèbre dans bien des domaines : créer une rivalité et inciter le public à prendre parti. Des pseudo-rappeurs comme Booba, La Fouine ou Rohff en ont fait leur fond de commerce. Nintendo et Sega s’en sont régalés pendant les 80’s. Apple vit encore là dessus. Encore une fois, pourquoi ne pas récupérer des méthodes qui marchent, aussi douteuses soient elles ?
J’hésitais avec une photo de Booba, mais je n’ai pas pu m’y résoudre.
Bon je suis peut-être mal placé pour parler, puisque je risque de me mettre quelques confrères à dos avec cet article. Toujours est-il qu’on trouve aussi ce type d’articles chez les webmarketeux, particulièrement chez les américains. Certains jouent carrément la rivalité frontale, ce qui peut être assez amusant… pour les initiés (bonjour le microcosme). Mais plus généralement, seule la forme est reprise, afin d’attirer le clic. Sur le fond, ce sont des articles à peu près normaux comparant 2 notions ou 2 outils, à la manière d’un comparatif entre l’iPhone 5 et le Galaxy S3 (en faisant fi de toutes les autres alternatives existantes) sur un blog high-tech, mais sans la rigueur technique. Le titre permet avant tout d’être un peu provocant et de balancer tous ses mots-clefs, peu importe la pertinence de l’article ou la cohérence des éléments comparés.
Quelques exemples : Community manager versus Social Media Manager, Dois je virer mon webmaster pour embaucher un community manager ?, SEO versus SEM…
5) Le syndrome Topito
Comme son nom l’indique, il s’agit ici de la manie de tout classer dans des Tops à la pertinence plus ou moins limitée. Un peu comme le 1er point, mais avec une hiérarchie et souvent sans création de contenu. La promesse d’un truc rapide à lire.
Vous schtroumferez bien un petit top ?
C’est la spécialité de Topito, du JdN ou de Challenges et de bien d’autres sites et journaux. La formule est simple et fonctionne bien : recopier un contenu existant sans valeur ajoutée / un titre alléchant / aucun travail de fond. Le tout est facile à ingérer et permet donc d’être lu et partagé. Évidemment, là aussi on n’échappe pas à cette vague de fainéantise, et on recopie des tops sans ajouter la moindre valeur ajoutée. Idem avec les infographies dont on ne recopie que quelques données dans l’article pour avoir le sentiment d’avoir bien bossé. On en profite souvent pour y faire un petit placement de produits et/ou de liens (ce qui est finalement le produit pour les SEO)
Quelques exemples : Top10 des pages Google+ en France, Top10 des arnaques Facebook, Top5 des pires erreurs en emailing…
Conclusion partielle
Je termine ici ce panorama des formes les plus utilisées, mais il en existe beaucoup d’autres, n’hésitez pas à les indiquer en commentaires. (oui bon j’avoue, Top 5 c’est un peu plus vendeur que panorama… mais n’est-ce-pas parfois dommage pour la langue ?) Vous remarquez que je me tire une balle dans le pied en critiquant les structures de titres surutilisées et un peu putassière tout en utilisant le même système. C’est une forme de dénonciation subtile… ou pas. Mais c’est là l’un des problèmes : Est-il possible de le remettre en cause ? Difficile de quitter les standards SEO sans avoir un contenu viral ou une certaine renommée (journaux, politiques…) si on veut être lu.
Je sais bien que ces formes ne viennent pas de nulle part et sont souvent utiles à l’internaute. Ce serait cracher dans la soupe pour un webmarketeur que de les rejeter purement et simplement. Mais il est étonnant de voir le manque de remise en cause et de regard critique sur le sujet. Problématique SEO (la balise title évoquée au début, vous vous rappelez ?), viralité, facilité, info ultra-synthétique, dictature de l’urgence, monde clos… les raisons expliquant ce phénomène sont nombreuses. Il faut essayer de les détailler et d’expliquer ce que cela traduit… ce que j’ai essayé de faire en 2 articles se concentrant sur les 2 facteurs principaux : le SEO et la viralité.