Après un premier article présentant les types de titres d’articles les plus communs sur le web, j’ai tenté d’expliquer la forte influence du référencement naturel sur la structure des titres. Mais le SEO n’explique pas tout. Un autre phénomène très important a marqué les internets de son empreinte : la viralité. Le buzz, c’est le fantasme de tout webmarketeur ! Certains sites ont des ficelles pour y parvenir et en ont même fait leur fond de commerce. D’autres tentent en vain de les imiter. La recette exacte est toujours inconnue (hormis les chats qui ont tout compris, vu la quantité de lolcats sur le web). A force d’utiliser des méthodes similaires, les titres finissent bien sûr par avoir les mêmes structures. Mais de quoi ce phénomène est-il le nom ?
La viralité à tout prix
Du cuissot ou de la poitrine, rien de mieux pour être viral ! Mon boucher gagne à être connu
Les moyens de la viralité
Rien de bien compliqué : produire une tonne de contenus soit racoleurs, soit provocants (mais plus généralement les 2 à la fois), et toujours dans le but de choquer pour faire réagir l’internaute. Des questions cons, du contenu ludique grand public, des tops, des pseudo-scoops incroyables, des sujets ouvertement machistes, de l’humour potache, des sujets réacs, plein de clichés… Les techniques sont nombreuses. Ajoutez des images de boobs ou des montages avec des chats, et hop !
La réussite d’un article ne se mesure pas cette fois en termes de vues, mais en partages. Cet article de Rue89 explique mieux le sujet, avec l’exemple de Démotivateur. Le SEO est donc encore souvent présent, mais bien plus secondaire. Certains allient parfaitement les 2 et profitent d’outils comme Google Trends pour capter les sujets tendances et les surexploiter sans forcément avoir quelque chose à dire (coucou Webédia)
Ainsi, les titres recherchant la viralité sont plus variés, mais des classiques surnagent : les tops, les X choses immanquables, les révélations qui vont nous étonner, les annonces incroyables, la technique numéro 5 qui marche vraiment etc.
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=g99YWLlkWno]
Cédric Siré, patron de Webédia (jeuxvidéo.com, allociné, purepeople, 750gr…) : pas d’information mais du divertissement. Pas d’art de l’écriture mais des produits.
La culture du buzz nous révèle
Là encore, la viralité est souvent recherchée par les webmarketeurs, mais assez peu remise en cause. Les titres recherchant le buzz sont pourtant assez significatifs et peu reluisants de notre nature.
Impossible de ne pas voir que les titres se font de plus en plus percutants, non pas pour informer, mais pour attiser les plus bas instincts. Se moquer des bizarreries de nos contemporains, titiller les chauvins, appuyer des clichés sexistes… il suffit de voir le Best Of Topito ou les articles les plus partagés de Démotivateur. La mesquinerie pète le score et les commentaires limites fusent.
Impossible aussi de ne pas faire le parallèle entre les titres viraux et la presse people la plus bassement sensationnaliste. Fumisterie et racolage sont les mamelles de cette sous-presse du divertissement. Et les internautes consomment gracieusement. Ca va vite. Puis c’est marrant quand même.
Et on en arrive au dernier point : tous ces articles sont rapides à consommer. Contrairement à cet article qui dure 3 plombes et qui vous ennuie depuis au moins 20 lignes, tous les articles viraux ont en commun cette rapidité à consommer. La dictature de l’urgence ne touche donc pas uniquement le rédacteur salarié pris par les impératifs, mais touche aussi et surtout le lecteur.
Tout doit se voir, se lire, ou se faire rapidement. Pas le temps de poser de longues réflexions, on en veut le résumé. Et si possible en moins de 140 caractères. De toute manière on ne lit jamais toutes les infos à l’écran, nos cerveaux font le tri. Et ne nous mentons pas, nous en sommes tous friands et favorisons le phénomène.
Internet en général symbolise assez bien le concept de société liquide puisque tout y est encore plus rapide qu’ailleurs. Les standards se font et se défont en peu de temps (qui se souvient de Netscape ? de Msn ? ou de MySpace ?). On s’entiche de nouveaux sites et d’applications qui vont en ce sens. Twitter, Tinder, Snapchat, 2048 : tous surfent sur cette dictature de l’urgence, bien nourrie par l’ensemble des écrans et surtout nos smartphones, symboles mêmes de notre quête du divertissement permanent.
Zygmunt Bauman, père du concept de société liquide… c’est moins sexy que les mannequin-navigateurs, c’est pour ça qu’il est à la fin.
Et ça me permettra de conclure (enfin !). Cette forme d’écriture en quête de viralité est bien un symptôme d’un société en perpétuelle mutation à laquelle l’humain doit se débrouiller pour suivre. Les contenus du web s’adaptent à ce qui est recherché : du consommable, seul point de référence dans une société liquide selon Zygmunt Bauman. Et nous webmarketeurs favorisons ce fonctionnement en proposant uniquement du consommable. Et nous internautes, favorisons ce fonctionnement en consommant si facilement ce qu’on nous sert. Je dirais bien que c’est symptomatique d’une société néolibérale qui a érigé les consommations comme modes de vie, mais je m’éloignerais du sujet… de toute façon je suis déjà parti bien loin des titres d’articles.
Reste qu’il ne faut pas sombrer dans le défaitisme. Quelques médias, blogs et consort connaissent un succès en proposant des contenus bien plus riches et plus longs à appréhender, même quand ils sont payants (Médiapart, Arrêt sur Image, Canard PC…). Prenez le temps de réfléchir à ce que vous faites de votre « temps de cerveau disponible » avant de télécharger Yo ou de finir le niveau 500 de Candy Crush. Internet abonde de contenus riches qui n’attendent que vous.