Les vacances d’été m’ont ouvert vers une histoire méconnue aux portes de l’Europe, entre le Grand et le Petit Caucase.
Comme je ne suis pas un spécialiste du sujet, voici simplement quelques bases accélérées et anecdotes amusantes des grandes phases de ce pays.
Géorgie néolithique
Évidemment, la Géorgie n’existait pas à l’époque, mais vous avez compris l’idée. Il y a 200 000 ans, les premiers humains s’installent dans la région. Il y a 36 000 ans, les peuples nomades y développent la production textile, dont on retrouve encore quelques traces des plus vieilles cultures de lin au monde. Depuis 6 000 ans, les humains s’y sont établis durablement pour cultiver. Et pas n’importe quoi, puisqu’il s’agit des plus anciennes cultures de vin au monde, que l’on conservait et vieillissait alors en amphore. Cela nécessitait des techniques complexes pour que la terre cuite ne soit pas poreuse.
Ces amphores, ou qvévris, sont toujours utilisées aujourd’hui et donnent un goût très particulier pour les palais non-habitués, notamment dans leurs délicieux vins ambrés.
Comme on n’est pas beaucoup plus doués aujourd’hui, les maitres de chai préfèrent utiliser des amphores vieilles de plusieurs siècles. Les artisans ne parviennent plus à faire des amphores nouvelles aussi efficaces, et usent de subterfuges comme un revêtement en cire d’abeille qui altère l’effet de la poterie.
On peut encore trouver les trous d’amphore dans la roche de la cité troglodyte millénaire d’Uplitsikhé.
Deux royaumes antiques
Après les invasions scythes, les terres géorgiennes sont ensuite connues durant l’antiquité pour héberger deux royaumes assez prospères, à la frontière avec le monde oriental : la Colchide et l’Ibérie. Deux royaumes souvent dominés par les Perses, ou par les Grecs qui y fondent des colonies.
Colchide, c’est la terre lointaine où Jason rencontre Médée et trouve la toison d’or. La région est en effet réputée pour son orfèvrerie. Le musée de Tbilissi peut en témoigner avec une riche collection d’objets en or aux inspirations tantôt grecques, achéménides puis sassanides. Ça rappelle un peu les Phéniciens.
A l’époque, les orpailleurs utilisaient souvent les peaux de mouton pour récupérer le précieux métal. Les Svanes, dans le nord du Caucase, y auraient toujours recours, mais je n’ai rien vu qui pourrait me pousser à former un équipage de héros.
L’Ibérie orientale (à opposer aux Ibères occidentaux en Espagne, à l’autre extrémité du monde grec) était nommée Karthlie par les locaux. La colonie Mtskhéta y est fondée (capitale géorgienne au haut moyen-âge). On sait peu de choses, si ce n’est que les habitants ont voulu se donner une filiation à Alexandre le Grand pour affirmer leur identité hellénistique et légitimer le pouvoir de leur premier roi légendaire, Pharnabaze Ier. Au début du IIIe siècle avant JC, il aurait affirmé son panthéon, créé l’alphabet géorgien, réformé l’administration et conquis ses voisins. Rien que ça pour un petit royaume vassal de la Syrie !
Les deux royaumes deviennent ensuite des provinces ou royaumes amis des Romains, passant parfois sous la domination sassanide. La région conserve l’usage de son alphabet particulier, qui garantit la survivance d’une identité locale. Les habitants de cette terre frontalière évitent encore aujourd’hui l’acculturation à un puissant voisin grâce à leurs particularismes.
Moyen-âge mythique
Les joueurs d’Age of Empires ou Crusader Kings le savent. L’âge d’or de la Géorgie, c’est le moyen-âge !
La Karthlie était sous domination perse lorsque les communautés chrétiennes s’y développent. Le roi Mirian III décide de se faire baptiser et d’affirmer le christianisme comme religion d’Etat en 337. Sous l’influence de Sainte Nino l’Illuminatrice, cousine de Saint Georges, selon la légende.
Durant l’Antiquité tardive et le haut moyen-âge, le royaume est dominé par les Perses, puis par les Arabes ou encore les Abkhazes, et tente régulièrement de s’allier aux Byzantins pour regagner son indépendance. L’Emirat de Tiflis (Tbilissi) est fondé, mais l’Islam ne s’impose jamais totalement face au christianisme.
Xe siècle, la Géorgie s’unit pour la première fois, sous David III le Grand. Il bat les musulmans et les Abkhazes, s’allie aux byzantins et diffuse la culture géorgienne. Son fils adoptif Bagrat achève l’unification en 1010.
Fin XIe, David IV le Bâtisseur profite des Croisades occupant le monde musulman pour expulser les Seljoukides, prendre Tbilissi qui devient la capitale, et étendre les conquêtes en Arménie et en Azerbaïdjan.
Fin XIIe, Tamar devient la première reine de Géorgie dans l’histoire (et une excellente leader pour tout joueur de Civilization VI souhaitant une victoire religieuse), grâce à un système de transmission où le roi associe son héritier-e au titre durant son règne. Un sorte de Hollande-Macron origins quoi !
Les conflits avec le monde musulman sont nombreux. La région va donc créer des églises et monastères fortifiés pour affirmer la défense autant que l’identité chrétienne orthodoxe autonome du royaume. La littérature médiévale est influencée par la chrétienté, mais de nombreux éléments culturels sont aussi puisés en orient.
En Svanétie indépendante, dans l’ouest du Haut Caucase, les habitants construisent des tours pour se protéger des pillards et régler les vendettas et concurrences locales. Elles trônent encore fièrement dans les vallées du Haut Caucase, mais n’ont pas suffit à arrêter les envahisseurs Mongols.
Une Géorgie Moderne ?
Les Géorgiens se soumettent. Le territoire, ensuite divisé entre différents suzerains, subit la peste noire. Puis Tamerlan les englobe dans son empire, et les Turcomans les attaquent à leur tour…
Les Ottomans prennent le pouvoir sur un pays orthodoxe n’ayant plus d’allié dans la région. Le territoire est divisé en 3 pays principaux : Karthli, Kakhétie et l’Iméréthie, auxquels s’ajoutent des régions et principautés autonomes comme la Svanétie et l’Abkhazie.
L’actuelle Géorgie ne s’étend pas sur cette période de domination et de jeux d’alliance entre royaumes, Perses et Ottomans.
Au XIXe, la Russie annexe ces petits royaumes aux marges des puissances orientales et forme la vice-royauté du Caucase, une vaste province du sud-ouest de l’empire russe. Cela permet un renouveau des églises orthodoxes aux dépends de la culture persane. Si les élites se russifient, la période permet pourtant l’essor de la littérature et poésie géorgiennes, et plus largement de leur langue.
Anecdote amusante, les Géorgiens se gargarisent toujours de leur alphabet millénaire et unique, utilisé par seulement 4M de Terriens. Pourtant, ils sont eux-mêmes très peu à être capable de lire le géorgien médiéval, qui empruntait à d’autres alphabets et se lisait bien différemment.
Tout cela vole en éclat en 1917 avec la première révolution russe. Mais arrêtons ici ce tour d’horizon de l’histoire de Géorgie.
La Géorgie contemporaine est l’objet d’un 2ème article, aussi politique qu’historique.