J’aime bien marcher. Et la montagne aussi.
Choisir sa randonnée
Après des mois de confinement, j’étais assez chaud pour aller me dégourdir les jambes dans les Alpes, mais un peu moins pour le faire tout seul. Lucie a laissé le reste de sa motivation pour la rando en Nouvelle-Zélande. Reste l’UCPA !
L’UCPA, c’est une association pour promouvoir les sports de plein air (voile, surf, alpinisme, parapente… et randonnée). Autrement dit, il s’agit de colonies de vacances pour adultes. Souvent célibataires. D’ailleurs j’ai rencontré une ex comme ça et…
Bref.
J’ai hésité avec 2 ou 3 autres randos, notamment un tour du Mercantour (plus facile, j’avais peur de m’ennuyer) et 5 summits avec ses 5 cols autour de 3000m et plus de 1500m de dénivelé chaque jour… mais j’avais peur d’être accompagné uniquement de kékés.
On est donc parti sur l’Alta Via du Val d’Aoste, qui présente de nombreux avantages : difficulté assez élevée, sentiers peu fréquentés du côté italien du Mont Blanc, itinérance en groupe sur seulement 5 jours, soit un excellent test !
Attention au départ
L’avantage avec l’UCPA, c’est qu’on rencontre du monde. L’inconvénient, c’est qu’on les subit plusieurs jours, même quand on sent que le feeling est… limité.
Revenons aux faits. Après un sac optimisé au gramme près et trois trains, me voilà à Argentière à attendre fébrilement la rencontre de mon groupe. Va falloir se forcer un peu à aller vers les autres et se coltiner dix fois le même small talk… oui, bon, je n’aime pas trop rencontrer des gens nouveaux.
Je fais la sieste avant. Puis les efforts. Première rencontre avec mes camarades de chambrée, amis dans la vie… l’un des deux est flic. Génial. Il a mon âge, mais parait 10 ans plus vieux que moi, re-génial.
On voit ensuite le reste de notre groupe de 12, comprenant 2 ados, 5 femmes et 7 hommes dont le guide (vous suivez ?). Un groupe plutôt homogène de blancs aux professions intermédiaires et supérieures. Je suis le seul chômeur et le seul mec en couple. Je m’en doutais un peu.
Francis, notre guide, nous met un coup de pression sur la difficulté et la charge du sac. Tout le monde a l’air bien plus assuré que moi pour gérer de longues randos en itinérance… mais c’est sûrement une projection due à mon stress.
Le lendemain, on se débarrasse du surplus et on charge les affaires du groupe pour 4 jours. J’ai réussi à garder un sac plus léger que les autres, à « seulement » 12 kilos. Il y a des filles qui embarquent 16 kilos sur un petit corps, c’est fou. On est prêt trop tôt, donc on se fait un atelier montage de tente, juste au cas où. Tous les autres groupes en attente se moquent discrètement de nos déboires. On part tard. Il crève de chaud dans le mini-bus. Je discute avec Margot, la Belge du groupe, quasiment tout le trajet. Elle raconte l’Australie, moi la Nouvelle-Zélande.
Arrivée vers midi sur les premières pentes de notre journée de rando. Ça s’est rafraichi avec l’altitude. On mange au soleil en sortant du car. Tout devrait bien se passer, on est fin prêt, on se lance enfin.
CRAC !
Au fil des jours
Jour 1 : Le coup de tonnerre a marqué le début des hostilités, signe des bonnes augures accompagnant notre traversée. Malgré une drache et l’orage en route, pas de vent. La montée de 700m s’est faite tranquillement, et aucun boulet dans le groupe n’est venu ralentir notre marche. Notre nombre fait fuir les 3 français du bivouac. On sera seuls ce soir, et c’est plutôt confort.
Jour 2 : Nuit de merde. Mon corps a visiblement du mal à se détendre. Je ne trouve pas le souffle lourd du sommeil. Peut-être l’altitude, on est à 2 700m de haut. Pas idéal avant la journée de l’enfer : 1 800m de dénivelé positif et négatif, avec 4 cols à traverser.
On se prépare rapidement, on découvre la joie des toilettes de plein air et c’est parti. Plein soleil aujourd’hui et pas trop chaud. Première montée facile. Deuxième plus raide. Je me retrouve en 3 ou 4ème position dans les ascensions, plutôt content de moi. On déjeune à côté d’une chapelle où un monsieur faisait la sieste… et surprise, c’est un curé qui vit dans la bergerie à côté. Il nous offre le café et on lui achète du vin issu de la chapelle pour la soirée… oui on picole au sang du Christ nous ! Pas tenté par la charge de 5 litres du cubi, on se rabat sur 2 bouteilles.
Troisième pente raide, mais assez facile. La dernière montée sera la plus dure. J’ai dans l’idée de la « sprinter », puisqu’on s’arrête au bivouac juste après. Je commence à fond avec les plus rapides. Léger sur-régime. Je continue tant que faire se peut, mais j’ai une fringale à plus de 200m du sommet… Et quand je dis fringale, je veux dire une putain de crise d’hypoglycémie de ses morts !
Je finis tant bien que mal après une pause sucrée, mais je suis HS pour la soirée. Pendant que certains se baignent dans le lac gelé, je me pose. Manger puis dodo à 19h45.
Jour 3 : Mon heure du coucher a fait peur, mais tout va bien. Une bonne nuit de sommeil et ça repart. Enfin, ça pique un peu les courbatures quand même.
La journée est plus facile, mais assez intense avec un joli chemin de flanc. On choisit de s’arrêter plus tôt dans un autre refuge pour éviter les cols difficiles sous l’orage le lendemain. On y laisse nos sacs pour quand même escalader le dernier col prévu sans charge, et redescendre du même côté en courant.
Toilette dans le lac pour les plus courageux. Les jeux de cartes s’enchaînent autant que mes défaites dans la soirée. Je sens bien que je n’ai pas créé de contact profond avec les autres membres du groupe. Peut-être que je suis moins ouvert car pas célibataire et inversement. Le policier et une éduc spé parlent de leurs valeurs chrétiennes, de l’avilissement de la femme par l’Islam et de l’intérêt de se syndiquer en cas de bavure (vite repris par « en cas d’accusation de bavure »). En fait, c’est peut-être mieux que je ne fraie pas avec tout le monde non plus.
Jour 4 : Nuit plus froide, bercée par les ronflements monstrueux d’un vieil italien venu partager notre bivouac. On commence direct par une belle montée de dalles de pierre, suivie d’une descente assez casse-gueule dans un pierrier et des névés. Je déteste glisser. Concours de chansons françaises vaseuses dans le groupe. Nouvel orage. On croise un troupeau de vaches peu avenantes, qui semblent nous tenir pour responsable de cette pluie. Heureusement, ça se calme assez vite, et on continue notre route sur un beau chemin sur les hauteurs du lac. Arrivée tôt dans un véritable refuge gardé, avec électricité, bar, resto et salle de bain. Joie !
Le retour de l’hygiène se mérite, on plonge d’abord dans les eaux glacées du lac. Bon repas pour les uns, surplus d’alcool pour les autres. Je file me coucher durant la grappa, bien avant que ça ne dégénère en danse des canards avec un groupe d’italiens. Je me rapproche des ados du groupe. L’intimité des marginaux m’a toujours parue plus agréable que les dynamiques de groupe. J’apprends des choses sur moi et suis surpris par une adolescente réservée nous racontant ses cuites au whisky du jeudi soir.
Jour 5 : Petite montée puis marche tranquille sur l’autre rive du lac. Personne ne semble souffrir la gueule de bois de la veille. Au barrage, on abandonne la plupart des affaires dans un coin avant de monter 700m plus haut vers le Lac Mort. On a beau se sentir léger sans sac, les jambes sont un peu lourdes… mais ça vaut le coup d’œil et ça change des autres jours (tous très beaux et majestueux mais un peu plus répétitifs). J’évite encore une conversation sur les bienfaits de l’autorité et la bonne gestion du Covid par Macron. Les conversations me fatiguent aussi. Certains sont tristes de quitter la nature, moi je suis plutôt heureux de redescendre pour retrouver un semblant de solitude.
UCPA forever ?
J’écourterai la grosse soirée de retour au centre UCPA.
Si j’aime beaucoup randonner et laisser mon esprit vagabonder en racontant n’importe quoi durant le chemin, ça n’a pas vraiment été le cas ici. L’ambiance de groupe est sympa à petites doses, mais je ne me suis jamais senti assez bien pour réellement lâcher la bride, et j’en ai franchement eu marre sur la fin, hormis quelques exceptions choisies.
Faut-il être célibataire pour vraiment apprécier, comme les Woo girls d’How I met your mother ? Ne suis-je pas fait pour les groupes – en tout cas à cette fréquence pendant une semaine ? ou suis-je juste mal tombé ? Est-ce juste quelques membres peu appréciables qui m’ont fait jeter le bébé avec l’eau du bain ?
Autant de questions auxquelles je ne sais pas répondre pour l’instant. Mais qui m’interrogent. Je tâcherai d’y répondre avant mes prochaines vacances. D’ici un an, ça devrait le faire.
Je suis tombé sur ton post en cherchant des info sur l’ucpa pour une éventuel 1e séjour. Et non pas en itinérante mais en centre ce qui paraît, à la lecture de ton article, peut être encore pire. J’étais plutôt emballé à l’idée d’y aller tout en craignant cette proximité. Et l’honnêtete de ton article me fait penser que je ne suis vraiment fait pour ça surtout à mon âge.