Facebook peine à attirer les plus jeunes face à Instagram (qui lui appartient) et aux concurrents (TikTok, SnapChat…). Pourtant en France, les Neurchis font souffler un vent de fraîcheur sur le « réseau social des parents ».
Mais d’abord, qu’est ce qu’un neurchi ?
Inspiré par les pages de partages de mèmes et autres shitposts américains, certains internautes français ont créé des « neurchis » dès 2016, du verlan chineur. Ce sont des groupes Facebook, publics ou privés, où les membres postent des mèmes et autres détournements amusants sur un thème précis, où parfois juste des trouvailles issues des internets. On trouve des Neurchis sur tout. D’Eric Zemmour aux dinosaures, en passant par OSS117, l’humour médiocre des boomers, l’histoire, les memes de niche pour fans de Gotlib ou d’huile d’olive (oui !), les commentaires débiles ou encore les antimemes détournant les codes des détournements eux-mêmes. Bref, c’est drôle.
Pourquoi c’est cool ?
Là où les anglophones utilisent beaucoup Reddit, 9gag ou 4chan, les français ont su créer de véritables communautés qui ont reboosté le réseau social un peu en perdition auprès des jeunes. Ils sont principalement fréquentés par les 18/30 ans, mais certains vieux comme moi y trouvent aussi leur compte, grâce à des groupes alliant l’humour absurde à une modération intelligente et des membres plus ou moins bienveillants. Bon évidemment, c’est pas parfait partout. Vous aurez des libéraux qui aiment se faire flexer la tronche sur Neurchi de flexibilisation du marché, excès de moralisation (neurchi de féminisme), virilisme (coupe de France du mème), mépris de classe (ses vraies) ou encore du racisme ou du harcèlement ailleurs…. hélas ça reflète aussi les trucs pourris de la société française. A vous de bien choisir (j’ai moi-même cru pouvoir rire sur le Neurchi de Zemmour, avant de me rendre compte que les 2/3 croyaient vraiment dans ces merdes).
Bref, il existe forcément un neurchi en rapport avec vos passions qui aura une ambiance fun et sympathique, souvent plus agréables que bien des communautés anglophones. Après des années de pages Facebook très hiérarchiques (une communauté se polarise autour d’une personnalité/marque dont les posts font autorité), l’essor des groupes renvoie à un fonctionnement un peu plus horizontal. Ca fait du bien ! On n’est pas encore revenus aux forums du début des années 2000, mais il y a parfois quelques dramas entre les membres… c’est qu’on s’en rapproche ! De plus en plus de mèmeurs réguliers lancent leurs propres comptes Instagram pour établir leur notoriété propre… espérons qu’ils n’y aient jamais trop de succès pour que la Neurchisphère demeure !
Culture neurchi
Les plus grands neurchis atteignent à peine 60.000 membres, mais c’est un microcosme très fécond. Vous avez forcément vu passer certaines créations sur Insta ou ailleurs sans en savoir l’origine.
La neurchisphère crée une véritable culture memique propre à la France. Un peu comme le cinéma, à son échelle, la neurchisphère a su développer un langage spécifique qui peut être riche et s’étend parfois à d’autres pans de la société.
Ainsi, le neurchi de Tintin s’amuse à franciser les expressions anglaises littéralement, amenant le terme « croustille » à remplacer « crush » parfois jusque sur Twitter. Les Tintin intégrés dans des tableaux renaissance ont fait la Une de plusieurs journaux. Un membre rageur du 1er neurchi ne digère pas son bannissement et affirme qu’il pèse plus que le 3/4 du groupe ? Le « 3/4 » devient l’unité de mesure pour les mèmes à succès sur tous les groupes. Quelqu’un rabâche le taux de victoires militaires de la France, ses capacités de combat contre un ours grâce au MMA ou se trompe et envoie une demande perso au sein d’un groupe ? Ils deviennent des blagues récurrentes dans tout ce petit monde facebookien.
Je passe sur les tendances américaines réinterprétées, les go to horny jail, les pouet pouet mdr et les envois de projectiles de 90kg à 300m (oui, j’ai jamais dit que toutes les blagues étaient très intelligentes…).
A chaque neurchi ses spécificités
Au delà de la culture globale qui se dégage par l’entrecroisement des neurchis, chacun d’entre eux a aussi ses codes spécifiques. Si vous aimez les dinosaures, il est probable que VOUS ECRIVIEZ COMME CA et que vous trouviez que GRAOU est un commentaire pertinent d’à peu près n’importe quelle publication.
Les fans de trébuchets haïssent les catapultes. Le neurchi de Tintin fait apparaitre des Chiquito et des Rascar Capac partout et aiment commenter « Moi je trouve ça rigolo ». Les flexeurs ne supportent plus leur Fabieng et leur proposition d’embauche à 28K. Les membres de Neurchi de Red ne partagent pas, ils collectivisent.
Ces particularités amusantes restent souvent circonscrites à leur neurchi, mais certaines finiront peut-être elles-aussi par trouver leur chemin sur l’internet mondial.
Et moi dans tout ça ?
Vous l’aurez peut-être compris à travers cet article – ou plus certainement à travers le nom du blog, qui est aussi mon pseudo sur les internets… – je suis un grand adepte du neurchi de Tintin. Je ne met pas de lien pour éviter les foudres d’une certaine entreprise ayant-droit du fameux reporter, mais voici quelques extraits faits avec mes petites mains sous Paint.
Je vous en conseille plein d’autres neurchis : dinos et pitichats pour la mignonitude, antimemes pour l’aspect meta, tous les neurchis de BD pour désacraliser votre enfance, neurchi de LREM pour vous affliger des quelques fous qui croient encore en notre président, neurchi de marketing de génie/claqué pour apprécier la « créativité » des Beigbeder en herbe… Et bien d’autres à créer ou à trouver, pour faire vivre l’internet français.
Vivent les internets, vivent les Neurchis !