Suite de ma technofiction sur les implants mémorielle. Installer l’univers était amusant, mais y intégrer de l’action ne m’a pas réussi. J’ai retouché légèrement pour que ce soit moins horrible à mes yeux
12 novembre 2048
Une semaine qu’il a été réélu. 4 ans que Clarisse est partie. Tristes anniversaires.
Elle a hésité à me dénoncer pour « mémoire falsifiée » et « diffusion volontaire de fake news » quand elle a trouvé mes notes. Elle a préféré partir. En bonne early-adopteuse de l’implant, elle a vite pu monter les échelons. Oméga l’a repérée et lui a offert un pont d’or : chef du service de neurobiologie. Il parait même qu’elle connait intimement le patron-président. « Intimement »… Les rumeurs de la presse à scandale ont toujours autant de succès. Au moins aujourd’hui, elles n’encombrent plus la mémoire inutilement.
Ma carrière n’a pas été aussi fulgurante. Entre les erreurs d’inattention que ne commettent plus les implantés et ma réputation de techno-sceptique, la direction a choisi de se séparer de moi.Officiellement, la puce n’est pas obligatoire, mais bon… Ca n’a plus la moindre importance !
Il faut savoir se fixer les bons objectifs. Mon contact, MB, m’a prévenu par le canal habituel… des lettres manuscrites. Impossible de déconnecter les puces. Les rendre hors service avec un virus ? S’attaquer à tout un réseau d’antennes ? Pirater le serveur pour y remettre des souvenirs réels ? Mouais… Et pourquoi pas créer le libre arbitre avec mes petites mains ?
« Les trois serveurs principaux contrôlent les mises à jour de la version FR. S’ils explosaient peu de temps avant la mise à jour pour la sixième génération, ils se tourneraient vers la version de secours… elle est peu sécurisée. On a pu la pirater. »
Là c’est plus clair. Classique, efficace. Il suffit de faire péter des trucs pour ramener les transhumanistes à notre petit niveau. Leur hyper-mémoire n’est pas capable de leur faire ressentir ça. Puis si on ajoute un beau message expliquant quelques uns des plus gros mensonges d’Oméga, l’entreprise est finito. Les Français effrayés vont se découper l’implant de l’avant-bras plus vite qu’on ne circoncise son fils après une naissance !
Ma connaissance de quelques bases de neurosciences par mon ex-femme a plu à la direction. Ça ou mon absence d’espoir pour moi-même et pour l’humanité. Ou bien le manque de main d’œuvre ? Toujours est-il que j’ai rapidement fait carrière dans le terrorisme anti-techno. Je suis en charge du serveur d’Asnières. La vitrine d’Omega côté beau quartiers. J’ai dû m’entrainer 3 semaines à utiliser du C4 et à étudier les plans. Tout est calé. Ou presque.
14 novembre 2048
J’adore qu’un plan se déroule sans accroc… J’aurais aimé pouvoir le dire. Mais avec les implants, tout le monde connaît la ref, ça perd de sa saveur… Puis il aurait fallu que ça se déroule bien, aussi.
On en est pas là. Le site était bien gardé. Les passages secrets de mon plan ne leur étaient pas secrets du tout. On avait vérifié via un implant segmentable : ils ne sont plus dans les bases de données. Omega a des puces transformées pour ses propres employés. On aurait dû y penser. Rien ne se perd, tout se transmet dans le coltan.
Heureusement, MB avait prévu assez de sédatif pour endormir tout Jurassic Park. Je suis passé.
Asnières n’est pas qu’une vitrine. Il y a serveur et laboratoire là-dessous. Les couloirs métalliques grisâtres succèdent aux carreaux blancs du labo. Les cellules de test devraient occuper l’attention pendant que je pose mon C4. J’entends des pas. Je n’ai pas prévu de Jurassic Park 2, je vais être à court, il faut se planquer… Caché derrière un poste de contrôle, j’entend les pas se rapprocher… puis s’éloigner. Ce n’était qu’une blouse blanche, qu’importe. On essaye d’éviter les victimes collatérales… plus qu’à espérer qu’elle fasse comme dans l’infanterie, et qu’elle se tire ailleurs. D’ailleurs, moi aussi je me casse. Tout est posé, compte à rebours lancé. Direction le couloir aux gardes endormis et ciao !
Mes talons étaient tournés et je trésaille. Ce n’était pas une blouse blanche, mais la blouse blanche. Que fait Clarisse dans cette aile à une heure pareille ? Elle doit en oublier de dormir avec ces saletés de puces !
« Salut chérie ! Tout va bien au boulot ? Je passais te dire coucou avant de rentrer à la maison » hésité-je. Pas des plus inspirés, je suis plus doué pour le terrorisme que l’impro. C’est absurde.
Je n’ai rien dit, c’est encore dans mas ma tête et ma bouche bée ne peut sortir le moindre son. Ma mémoire limitée supporte mal ce visage qui me hante depuis 4 ans.
Elle aussi est restée figée, mais comme toujours elle s’adapte plus vite au changement. Elle hurle : « Gardes ! Gardes… Un intrus ! »
Ce n’est pas la surprise de me revoir qui la bloquait, c’est la stupeur de voir un étranger au service dans ses murs ! Je me suis un peu dissimulé, certes mais quand même… Elle ne m’a pas reconnu. Les implants ont pu effacer 10 ans de vie commune ?
Les gardes proches sont à terre. Sa voix de commandement continue de crier. D’autres vont accourir. Je dois me décider rapidement : l’assommer et m’enfuir, ? Lui parler ? Sauter ensemble, maintenant que retrouver ma vie d’avant s’effondre dans ses cris d’alarme ?